Femmes, paix et sécurité : Mémoire de KAIROS présenté au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


Ian Thomson, coordonnateur, Partenariats – Afrique KAIROS – Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice Le 12 avril 2016

KAIROS – Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice apprécie cette occasion de paraître comme témoin dans le cadre de l’étude du Comité permanent sur Femmes, paix et sécurité (FPS). KAIROS est une organisation œcuménique nationale travaillant avec des partenaires au Canada et au plan international pour la défense et la promotion des droits humains et de la justice écologique. Nous regroupons 11 Églises et organisations religieuses canadiennes de 8 confessions chrétiennes différentes (1).

Femmes de courage : un programme de KAIROS

KAIROS aborde tout son travail à travers le prisme de la justice pour les femmes (gender justice). Pour nous, la justice en matière de genre se comprend comme l’égalité et l’équité entre les femmes et les hommes et entre les garçons et les filles dans leurs identités spécifiques et dans toutes les sphères de la vie. KAIROS consacre son travail à la construction d’un monde plus juste dans lequel le pouvoir et les responsabilités seront également partagés entre toutes et tous; de plus, nous appuyons les personnes et les organisations qui œuvrent à transformer les rapports de pouvoir et à mettre fin aux injustices.

KAIROS et ses partenaires de la société civile dans le monde ont une remarquable histoire de travail sur les enjeux de Femmes, paix et sécurité (FPS) et de droits humains dans des pays de conflits prolongés. De concert avec nos partenaires, nous avons développé le programme Femmes de courage. Ce programme s’enracine dans la conviction que, alors que les femmes souffrent dans le monde de nombreuses injustices, elles sont aussi des intervenantes décisives et agentes de changement quand elles développent et exercent du leadership en matière de droits humains et de construction de la paix. KAIROS collabore avec des organisations partenaires en Colombie, en République démocratique du Congo, en Israël/Palestine, aux Philippines et au Soudan du Sud pour répondre aux besoins des femmes selon leur contexte particulier. De plus, KAIROS développe des liens de solidarité avec les femmes au Canada qui sont touchées par l’oppression fondée sur le sexe, en particulier les femmes autochtones et les migrantes.

Notre programme Femmes de courage comporte plusieurs volets, dont ceux-ci :

  •  le soutien et le conseil psycho-sociaux de même que l’appui juridique aux femmes victimes de violation des droits humains et aux survivantes de la violence sexuelle dans des situations de conflit, afin d’accroître leur accès à la vérité, à la justice et à un dédommagement;
  •  des ateliers de formation et de renforcement des capacités pour les organisations de femmes et les promotrices des droits humains pour les aider à utiliser la législation nationale et les résolutions et cadres directeurs internationaux pour mieux protéger les droits des femmes dans les situations de conflit armé et pour promouvoir la participation des femmes aux démarches de construction de la paix;
  •  des campagnes d’éducation populaire sur la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU et d’autres résolutions portant sur les femmes, la paix et la sécurité en vue d’accroître la connaissance de ces engagements chez les femmes et dans toute la société;
  •  des échanges internationaux entre des organisations de femmes et des promotrices des droits humains leur permettant de partager leur expérience et leurs meilleures pratiques en vue de développer des stratégies conjointes et des recommandations communes.

En Colombie, dans le contexte du présent processus de paix et de la loi relative aux victimes, KAIROS et son partenaire Organización Femenina Popular appuient la recherche de dédommagements individuels et collectifs pour les victimes de violation des droits humains et de violence fondée sur le sexe; nous appuyons également les comités de victimes, qui assurent aux femmes la représentation juridique et le soutien leur permettant de poursuivre les auteurs de ces agressions.
Au Soudan du Sud, KAIROS collabore avec le Programme Femmes du Conseil des Églises du Soudan du Sud qui promeut, entre autres, l’engagement des femmes par-delà les appartenances tribales dans l’action pour la paix au plan local et fait connaître les cadres directeurs internationaux sur le rôle des femmes dans la construction de la paix, y compris la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU.

Bien que les femmes aient été historiquement à l’avant-plan des mouvements pour la paix et pour les droits humains, les démarches de construction de la paix sont souvent dominés par les voix et les expériences des hommes. De 1992 à 2011, dans les processus de paix, les femmes n’ont compté que pour seulement 2 % des médiateurs en chef et 9 % des négociateurs. Par ailleurs les études montrent que les démarches pour la paix dans lesquelles des femmes sont engagées sont non seulement plus équitables et plus inclusives, mais aussi plus durables. Il y a des raisons convaincantes pour appuyer la participation des organisations féminines de la société civile et des défenderesses des droits humains dans les processus d’édification de la paix et de développement post-conflit : l’équité, l’inclusion, la justice, la durabilité et l’efficacité.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada accorde davantage de soutien financier aux organisations de droits des femmes et aux organisations populaires de la société civile s’engageant dans la construction de la paix dans les pays touchés par un conflit ou fragilisés.

KAIROS appuie la recommandation du Réseau canadien Femmes, paix et sécurité (RFPS-Canada) proposant comme cible que 15 % de toute l’aide au développement dans les contextes de fragilisation et de tout le financement visant la paix et la sécurité soient accordés aux initiatives qui ont comme principaux objectifs l’égalité entre hommes et femmes et l’empowerment des femmes.

KAIROS a été fortement encouragé par les remarques adressées par le Canada au Conseil de sécurité de l’ONU en mars qui reconnaissaient l’importance critique d’appuyer la participation des organisations locales de femmes à la construction de la paix.

Par contre, au cours des dernières années, le gouvernement du Canada a canalisé une grande partie de son aide publique au développement vers les grandes institutions multilatérales, par exemple les agences de l’ONU et la Banque mondiale, et moins vers des partenariats avec les organisations de la société civile au Canada et au plan international. Dans certains cas, cela a du sens, y compris quand l’appui du Canada peut susciter des contributions de la part d’autres donateurs. Cependant l’expérience dans le domaine de la construction de la paix a montré qu’on parvient à une paix durable en soutenant le programme FPS à tous les niveaux.

Permettez-moi d’en présenter un exemple. En février, j’étais en République démocratique du Congo. KAIROS et notre partenaire congolais pour les droits humains, Héritiers de la justice, y ont une clinique juridique qui offre accompagnement juridique et counseling aux victimes de violence sexuelle. Pour renforcer la capacité des femmes à défendre leurs droits et à s’engager dans la construction de la paix, les aides paralégaux et les éducateurs aux droits des femmes de la clinique organisent des ateliers de formation sur la législation nationale, les instruments internationaux de droits humains et la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU. Le soutien de Héritiers de la justice a conduit à la création de comités locaux de femmes dans les villes et les villages pour aider les femmes à se donner du soutien mutuel et briser le silence face à la violence sexuelle.

En 2013, le Canada a fait un important investissement de 18 millions de dollars par le biais du Programme des Nations Unies pour le développement dans le but de combattre l’impunité qui entoure la violence sexuelle en R.D. du Congo. Dans le cadre de ce projet, des tribunaux mobiles ont été créés qui circulent dans les régions rurales de l’est du Congo et y facilitent l’accès à la justice. Ce développement institutionnel est vital, mais il requiert la participation et la confiance des femmes au palier local. Sans investissement dans le renforcement des capacités auquel travaillent les organisations locales à la base, l’engagement du Canada à mettre fin à l’impunité grâce à ce plus large projet multilatéral ne pourra pas se réaliser pleinement. La question n’est donc pas de savoir si l’on fera ceci ou cela. Pour que la construction de la paix et l’empowerment des femmes soient vraiment durables, les initiatives nationales et régionales venant d’en haut doivent s’accompagner d’initiatives à la base par la société civile.

KAIROS envisageait déjà en 2009 d’agrandir la clinique juridique au Congo. À cette époque nous avons approché l’Agence canadienne de développement international pour l’inviter à faire partenariat avec KAIROS dans ce travail au Congo et dans d’autres pays aux prises avec des conflits. Beaucoup de vous s’en souviendront, en dépit de la recommandation positive du président de l’ACDI, la proposition de KAIROS fut rejetée.

En janvier de cette année, KAIROS a soumis une proposition non sollicitée à la Direction du partenariat d’Affaires mondiales Canada l’invitant à appuyer notre programme Femmes, paix et sécurité que nous réalisons en collaboration avec nos partenaires internationaux. Nous attendons la réponse en espérant que le travail de KAIROS et de ses partenaires d’une part et le programme actuel du Canada d’autre part pourront se compléter et s’assurer ainsi de réussir.
KAIROS a la conviction que ses partenaires internationaux et son programme mondial ont un impact transformateur et produisent des résultats s’inscrivant de façon durable dans la réalité. Nous constatons des changements dans la vie quotidienne et dans l’empowerment des communautés locales; nous voyons les femmes reconquérir leur dignité et développer la capacité d’exercer leurs droits.

Toutefois il faut davantage de ressources pour appuyer les organisations de la société civile et les femmes qui défendent les droits humains. Malgré que des recherches récentes aient démontré que les organisations et mouvements de femmes sont des chefs de file dans la défense des droits humains et la promotion de la paix partout dans le monde, les ressources qu’elles reçoivent où que ce soit dans le monde sont honteusement parcimonieuses et en décroissance.

Recommandation 2

Que le Plan d’action national sur Femmes, paix et sécurité (PAN-C) soit élargi pour servir à la fois de vision stratégique au Canada dans la mise en œuvre et le renforcement de ses engagements internationaux relatifs à FPS, et d’outil de monitorage/suivi pour faciliter la production de rapports sur les engagements financiers, les activités, les écarts, le progrès à ce jour, etc.

KAIROS reconnaît que le Gouvernement du Canada a joué un important rôle d’appui à l’adoption de la première résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur Femmes, paix et sécurité (RCSNU 1325), qu’il a bien accueilli les résolutions subséquentes (1820, 1888, 1889, 1960 et d’autres encore) et qu’il a adopté un Plan d’action national sur Femmes, paix et sécurité (PAN-C) en 2010. Comme je l’ai mentionné précédemment, nous apprécions la récente déclaration du Canada au Conseil de sécurité de l’ONU renouvelant son engagement envers FPS. Par sa participation au Réseau canadien Femmes, paix et sécurité (RCFPS-Canada), KAIROS a monitoré la mise en œuvre par le Canada de la Résolution 1325 de la RCSNU et est déterminé à travailler avec ses partenaires à faire en sorte que soient également mises en les résolutions subséquences relatives à Femmes, paix et à sécurité.

Nous espérons que la révision et le renouvellement du PAN-C en 2016 produiront une vision stratégique sur la meilleure façon pour le Canada de mettre en œuvre les résolutions subséquentes relatives à l’enjeu Femmes, paix et sécurité. stratégique sur la meilleure façon pour le Canada de réaliser ses engagements internationaux envers Femmes, paix et sécurité. Le plan doit permettre au Canada de jauger comment notre pays en fait une directive politique prioritaire, dans quelle direction nous allons et quelles seront les apports particuliers du Canada à cet effort mondial.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada consulte et collabore avec les organisations de droits des femmes et leurs partenaires internationaux pour le développement de sa politique et de son programme sur les questions FPS. Qu’en tout premier lieu il tienne de larges consultations publiques partout au Canada pour imprégner le renouvellement du Plan d’action national du Canada (PAN-C).

Nous croyons que le renouvellement du PAN-C offre au gouvernement du Canada l’occasion d’améliorer le plan grâce aux apports d’un large éventail de parties prenantes. Les présentes audiences parlementaires bâtissent une bonne fondation. Nous espérons toutefois qu’Affaires mondiales Canada mènera en 2016 de larges consultations publiques dans les villes partout au Canada pour orienter le développement d’un nouveau PAN-C. Les organisations de femmes et d’autres groupes de la société civile tel KAIROS ont beaucoup à partager à propos des expériences vécues dans d’autres pays et des leçons apprises des efforts du Canada pour mettre fin à la violence faite aux femmes et pour promouvoir la participation politique des femmes et leur empowerment.

Merci de votre attention. Il me fera plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir.

Pour plus ample information, veuillez communiquer avec :

Ian Thomson, coordonnateur, Partenariats-Afrique
Tél. : 613-235-9956, poste 222
Courriel : ithomson@kairoscanada.org

Rachel Warden, coordonnatrice, Justice pour les femmes, et Partenariats–Amérique latine
Tél : 416-463-5312, poste 242
Courriel : rwarden@kairoscanada.org



1. Les membres de KAIROS : Comité mennonite central – Canada, Conférence des évêques catholiques du Canada, Conférence religieuse canadienne, DÉVELOPPEMENT ET PAIX, Église anglicane du Canada, Église chrétienne réformée en Amérique du Nord, Église évangélique luthérienne au Canada, Église presbytérienne au Canada, Église unie du Canada, Fonds du Primat pour le développement et l’aide humanitaire dans le monde, Société religieuse des Amis (Quakers) – Canada.

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Filed in: En français, Gender Justice/Women of Courage

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