COP21 : Être ou ne pas être optimiste…
Aujourd’hui, lundi, était la journée de l’ouverture officielle de la COP21, prévue pour 10h00.
Je suis donc parti pour arriver tôt. J’essaye d’entrer dans la grande salle de conférence La Loire pour assister à cette cérémonie, mais je me fais repousser par la sécurité parce que je n’ai pas les accréditations nécessaires qui me permettraient d’entrer dans les lieux « À accès limités ». Je me rabats sur le Centre de presse d’où j’assiste par téléviseur interposé à l’arrivée des chefs d’États que Ségolène Royal, la ministre de l’environnement du Gouvernement français accueille de son plus beau sourire : Italie, Hollande, Kenya, Evo Morales de Bolivie, Mozambique, Argentine, Inde et un drapeau avec des montagnes, le Népal ou la Mongolie. Cent cinquante chefs d’États sont présents à cet événement; c’est la plus importante réunion de genre de toute l’histoire.
En route vers le Centre de presse, je rencontre à nouveau l’équipe de Radio-Canada et je fais un brin de conversation avec Céline Galipeau. Plus tard, ce matin, je la reverrai faire une entrevue avec Philippe Couillard. Je rencontre aussi à nouveau Stephen Guilbeault un peu après. Et encore un peu plus tard, j’échangerai quelques mots avec Thomas Mulcair !
Juste à côté, il y a une conférence de presse conjointe entre le WWF (Association mondiale de la faune), Oxfam, Christian Aid et un autre groupe des États-Unis que je ne parviens pas à identifier. On nous dit que 600 millions de personnes supplémentaires (il y en a déjà 795 millions) sont menacées de souffrir de la faim à cause des dérèglements climatiques. On nous expose les quatre points cardinaux de la lutte aux changements climatiques : avoir des objectifs clairs et précis, offrir des garanties pour les atteindre, protéger les plus vulnérables, et proposer une vision globale de l’avenir.
Ici, dans le Centre de presse, même si l’anglais domine c’est les Nations unies. J’entends parler russe, arabe, espagnol, italien, chinois et quelques autres langues d’Afrique, tout à la fois.
Je termine ma matinée en allant écouter les « trois minutes » auxquelles sont restreints les 150 chefs d’États qui se succèdent à la tribune ; mais que très peu respectent. J’écoute coup sur coup le roi du Maroc (c’est à Marrakech qu’aura lieu la COP22 en 2016), Barak Obama, le président de Djibouti, Xi Jinping de la Chine, le général Sissi d’Égypte, Angela Merkel, Vladimir Poutine, etc…
Obama fait un bon discours où il admet la responsabilité des États-Unis dans la crise écologique et donc leur responsabilité pour la résoudre; il parle de transparence, des fonds d’aide aux pays vulnérables et d’énergies propres… mais ne dit rien sur la réduction et la conversion. S’il était décevant d’entendre le
président chinois dire que la croissance de son pays allait se poursuivre jusqu’en 2030 avant de se stabiliser, il était fascinant de l’entendre ajouter dans le même souffle que la participation des ONG est essentielle au succès de la lutte au changement climatique. Quant à Poutine, il axera son intervention sur les innovations technologiques. C’est peut-être Angela Merkel qui s’en sort le mieux en parlant (en trois minutes pile) des générations à venir, de nouvelles approches industrielles, d’humanité et de la nécessite d’un accord contraignant.
Après tous ces discours ; faut-il être optimiste ou pessimiste sur l’issue de cette Conférence ?
« Il y a des risques d’échecs », a déclaré le président Hollande.
Le réchauffement prévu est toujours au-dessus des 2°C. Si l’on additionne engagements des 180 pays qui ont rendu publiques leurs contributions, le résultat est encore insuffisant. Il reste encore 10 milliards de tonnes des CO2 à trouver. Et la température a déjà augmenté de 0,85°.
Un accord contraignant sera pratiquement impossible à obtenir, malgré les souhaits de la France et de l’Allemagne, tout d’abord parce les Etats-Unis, le deuxième pollueur du monde, n’en veulent pas, et parce qu’il serait virtuellement inapplicable.
Les intérêts sont très divergents entre les pays du Nord et ceux du Sud et les désaccords sont profonds (ce qui avait causé l’échec de la COP15 à Copenhague) ; les pays en développement (groupe des 77) tiennent à ce que les pays industrialisés responsables des émissions des GES paient le gros des investissements ; jusqu’à menacer de ne rien signer, comme l’a fait l’Inde aujourd’hui.
Enfin, il y a risque qu’à la suite des attentats de Paris du 13 novembre, les impératifs sécuritaires fassent dérailler les négociations.
En même temps, il y a des atouts, comme un sursaut de responsabilité après les attentats terroristes. Aucun chef d’Etat ou de gouvernement n’a annulé sa venue; au contraire, certains comme le roi de Jordanie, ont décidé de venir en soutien à Paris blessé. Le côté émotionnel jouera, de même que chez les groupes de la société civile où la mobilisation n’a jamais été aussi forte. On estime que 785 000 personnes ont participé aux diverses marches pour le climat à travers le monde.
La Chine semble décidée de mettre la main à la pâte et de faire sa part. Premier pollueur mondial avec le quart des émissions de GES, la Chine a pris conscience des dangers des bouleversements climatiques pour sa propre population et sans doute pour son économie. Elle est d’accord avec une « clause de révision » qui exigerait de faire le point tous les cinq ans.
Les entreprises aussi se mobilisent et semblent vouloir s’engager. Demain, François Hollande rencontrera Bill Gates, qui a déjà promis d’investir 2 milliards $, et une cinquantaine de chefs d’entreprise et de multinationales pour, peut-être, produire un « manifeste pour l’avenir du monde ».
David Fines