COP21 : Et les Églises dans tout ça?
J’apprends par courriel que le groupe Citizens for Public Justice/Citoyens pour une politique juste a organisé à la grandeur du Canada une vigile de prière durant toute la durée de la COP21. C’est réconfortant et important. Les Églises et le monde religieux ne sont pas les plus visibles dans une COP, mais ils sont présents et agissent de bien des façons.
Tout d’abord par la publication de plusieurs déclarations et prises de position avant la Conférence. On se souviendra que le pape François a publié son encyclique Laudato Si en mai dernier. En juin dernier, les responsables religieux des six principaux cultes de France (catholique, orthodoxe, protestant, musulman, juif et bouddhiste) se sont rendus à l’Élysée (le Palais présidentiel) pour remettre au président François Hollande une déclaration commune sur le climat.
Au mois d’août, à Istanbul en Turquie, un symposium a réuni une soixantaine de responsables musulmans de vingt pays différents : ensemble, ils ont publié la première déclaration commune sur le changement climatique. « Dieu – que nous connaissons comme Allah – a créé l’univers dans toute sa diversité, sa richesse et sa vitalité : les étoiles, le soleil et la lune, la terre et toutes les familles d’êtres vivants », trouve-t-on en préambule.
Puis en septembre, trente dignitaires représentant neuf religions apposaient leur nom à une déclaration intitulée Climat, religion et espoir: les traditions religieuses unies pour un avenir commun appelant à agir concrètement pour limiter les émissions de GES; ce document était l’accomplissement d’une conférence interreligieuse organisée à New-York conjointement par le Conseil œcuménique des Églises et Religions pour la Paix et a été présenté au secrétaire général adjoint de l’ONU, Jan Eliasson, tout juste avant le sommet sur le climat des Nations Unies.
Enfin, en octobre, quinze des plus importants chefs spirituels bouddhistes ont publié un appel historique lancé aux dirigeants politiques pour conclure un accord efficace face aux changements climatiques lors des négociations de la COP21. Cet appel à agir de toute urgence face aux changements climatiques, initié par des chefs spirituels représentant plus d’un milliard de bouddhistes, est sans aucun précédent. C’est la première fois que tant de sommités bouddhistes se rassemblent face à un enjeu mondial pour parler d’une seule voix.
Sans oublier, l’initiative de l’évêque anglican Desmond Tutu de lancer, en novembre, une pétition sur internet adressée à Ban Ki-moon et François Hollande.
Ensuite, durant la COP, dès le premier jour la Coalition des organismes religieux de la COP avait proposé une séance de d’information et de présentation de leurs points de vue et de leurs attentes pour la Conférence.
Les Églises chrétiennes, quant à elles, ont proposé deux grands rassemblements œcuméniques, une grande célébration à la cathédrale Notre-Dame et une soirée de prière à la cathédrale épiscopalienne de Paris. Chaque jour, une salle de « méditation » est ouverte à toutes les personnes ou les groupes désirant prier, ou se recueillir dans le calme et le silence.
Hier (mercredi), j’ai assisté à une présentation de la Coalition des organismes religieux. J’y apprends qu’à Varsovie, lors de la COP19, la coalition s’est dotée d’un comité de liaison composé de trois personnes pour favoriser la communication et la coordination entre les groupes. « C’est sûr que nous n’avons pas d’existence reconnue, mais nous entretenons des contacts réguliers avec le Secrétariat de la COP. » (En 1992, lors de la COP, dix comités avaient été reconnus officiellement : jeunes, Autochtones, femmes, etc… mais rien pour le domaine religieux.) «Heureusement, le Saint-Siège est une ‘partie’ reconnue et nous apprécions grandement son appui. »L’un des points sur lequel travaille le plus la Coalition est de pouvoir offrir un support spirituel aux équipes de négociations.
Ce matin même, j’écoute une présentation sur notre obligation morale de réussite par la pasteure anglicane Sally Bingham, suivie… d’un rap « endiablé » sur l’Encyclique du pape. À voir !
L’équipe la plus nombreuse est probablement l’équipe conjointe COE, ACT (Action of Churches Together) et FLM (Fédération luthérienne mondiale). Certaines d’entre elles faisaient partie de la délégation d’une vingtaine de représentants d’Églises et de d’ONG religieux qui ont rencontré François Hollande à L’Élysée ce matin pour lui remettre les 1 833 973 signatures des quatre pétitions qui ont circulé ces derniers mois : du Mouvement catholique mondial pour le climat, d’ActNow for Climate, des Religions pour la Paix et de Our Voices/Nos voix.
Martin Kopp (et oui, c’est son vrai nom), responsable des programmes pour la justice climatique à la FLM y était. Je lui demande ce qu’il pense du texte de travail proposé hier aux équipes de négociations et il constate qu’il y a de nets progrès notamment sur la transparence et sur les processus de révision d’application, d’atténuation et d’adaptation qui se feront aux cinq ans, même si plusieurs points sont loin d’être réglés. La différenciation est encore et toujours ce qui bloque, avait répété le WWF (Fonds conférence de presse. Un autre problème, pour Martin Kopp, c’est qu’à bien des endroits, même si cela se retrouve moins souvent que dans les textes précédents, il y a plusieurs options de textes, diverses possibilités, parfois ambitieuses, comme des réductions de 70% à 80% de GES d’ici 2050, et parfois très floues, beaucoup trop vagues. « Ce n’est certes pas l’idéal mais pas non plus l’apocalypse. Et surtout la confiance en la présidence est totale, ce qui aide beaucoup au processus de négociation. On ne se félicite pas outre- mesure, mais nous ne sommes pas désespérés. »
P.S. Bravo à l’équipe de Réforme, le plus grand hebdomadaire protestant de France, dont j’ai visité les locaux ce matin, pour son dossier sur la COP21 et les changements climatiques au cours des trois derniers numéros.
P.S.S. Et bravo aux jeunes de la CYD (Canadian Youth Delegation) pour leur amusante et dynamique mise en scène de la mise à la retraite de monsieur Combustibles Fossiles, représenté en dinosaure.
David Fines