Le nouveau BlackBerry 10 est-il net de conflits?


 (Paru originellement dans Rabble.ca, le 23 février 2013)

La nouvelle du lancement par Research in Motion de son tout nouveau téléphone intelligent BlackBerry 10 a parcouru le Canada à la vitesse de l’éclair. Les Canadiennes et les Canadiens sont à la fois fiers, à juste titre,  de la firme RIM implantée à Waterloo, et inquiets de son avenir. Ils sont nombreux à espérer que ce nouveau téléphone connaisse du succès la compagnie jouant un rôle important dans l’économie canadienne, y compris pour le nombre d’emplois et la recherche en haute technologie.

Mais dans tout ce battage publicitaire nul n’a songé à poser une grave question : RIM peut-elle assurer à ses clients que ses produits ne comportent pas de minéraux associés à des conflits? Si oui, elle aurait là une autre façon de se démarquer des compétiteurs.

Le coltan en préparation, le Republique démocratique du Congo

Le coltan en préparation, la Republique démocratique du Congo (Photo: John Lewis)

De nombreuses organisations religieuses et de défense des droits humains s’inquiètent de savoir si les minéraux utilisés dans la fabrication des téléphones intelligents et autres produits électroniques aient pu être extraits – souvent par des enfants – à la pointe du fusil. Dans le cadre de son action pour les droits humains et l’édification de la paix, KAIROS a produit une ressource éducative pour informer la population canadienne des risques que des minéraux « issus de conflits » trouvent leur chemin jusque dans nos appareils électroniques.

Un de ces minéraux, le coltan, est raffiné en poudre résistante à la chaleur, nommée tantale, et capable de transporter les hautes charges électriques de plusieurs des actuels ordinateurs, caméras vidéo et consoles de jeux. Il est aussi nécessaire pour les condensateurs qui contrôlent la charge des cartes de circuits imprimés des téléphones intelligents. Peu d’endroits produisent aujourd’hui le coltan, la République démocratique du Congo en étant un producteur majeur.

Depuis plus d’un siècle, la République démocratique du Congo a connu le fléau des conflits régionaux et les bousculades pour s’emparer de ses vastes ressources naturelles, y compris le coltan, l’or et la cassitérite, autre minéral important pour les téléphones intelligents. La cupidité pour les ressources naturelles du Congo a constitué le principal moteur des atrocités et des conflits qui ont marqué l’histoire torturée du Congo, y compris durant la période coloniale.

Dans l’est du Congo, les ressources minières financent de multiples groupes armés, y compris ceux qui pratiquent les viols de masse comme stratégie destinée à intimider et à contrôler les populations locales, pour ainsi s’assurer du contrôle des mines, des voies commerciales et des zones stratégiques, selon l’information diffusée par Raise Hope for Congo, une campagne d’action basée à Washington et visant à mettre fin aux conflits dans l’est du Congo. L’ONU décrit le Congo comme « le plus horrible endroit pour être femme » à cause du niveau scandaleusement élevé de violence fondée sur le sexe.

Les États-Unis ont récemment adopté une loi visant à endiguer l’utilisation des « minéraux des conflits », particulièrement ceux du Congo, en électronique. La loi intitulée Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act exige des compagnies américaines qu’elles divulguent publiquement l’utilisation dans leurs produits de « minéraux des conflits » du Congo ou des pays voisins. Les législateurs canadien planchent actuellement sur une pareille loi pour les compagnies canadiennes.

Un collègue africain de KAIROS a été assassiné pour avoir enquêté de trop près sur les liens entre l’extraction des ressources et les armées présentes dans l’est du Congo. Il était pour sa famille « l’espoir d’une génération ».

KAIROS et ses partenaires congolais ont cherché à rencontrer RIM pour discuter de ces questions. Nous espérons que les compagnies de téléphones intelligents, y compris RIM, joueront un rôle plus actif dans la supervision de la provenance des minéraux et cesseront d’utiliser tout minéral finançant les conflits. Des pays comme le Congo ne peuvent pas se permettre de perdre une autre génération aux mains d’une violence aussi désespérante qu’absurde.

 John Lewis est coordonnateur du programme Droits humains internationaux, à KAIROS, et Jim Davis est coordonnateur du programme Partenariats africains. KAIROS – Initiatives œcuméniques canadiennes pour la justice est une organisation religieuse de promotion de la justice sociale.


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