La vérité, la réconciliation et le jour du Canada


Lettre de la directrice générale de KAIROS, le 1er juillet 2015

En ce jour où les Canadiennes et les Canadiens se rassemblent pour célébrer notre pays, je place ma fierté non en qui nous sommes, mais en qui nous pouvons devenir. La publication du rapport Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action nous fait entrevoir un pan d’histoire que beaucoup ne désiraient pas connaître et envisager un avenir que nous devons nous efforcer de réaliser.

J’exprime ma plus profonde gratitude aux survivantes et aux survivants dont le courage a percé une façade. Nous savons maintenant comment des Églises et des gouvernements ont collaboré à détruire la langue, la culture et l’identité d’enfants autochtones, brisant les liens familiaux et communautaires, contribuant à couper des personnes de leur terre, tout en supprimant la spiritualité qui célébrait cette relation. Nous savons maintenant que cela a entraîné un traumatisme générationnel qui persiste encore aujourd’hui.

Grâce au courage des survivants, nous savons. Grâce à leur résilience, nous avons toutes et tous la possibilité de guérir. Grâce à leur profonde confiance dans le pouvoir de l’esprit humain, nos enfants et petits-enfants peuvent croire en un avenir de respect mutuel.

J’offre ma plus forte expression d’appréciation aux commissaires – le juge Murray Sinclair, la docteure Marie Wilson et le chef Wilton Littlechild – pour les sacrifices qu’ils ont consentis et qui ont permis de tenir cette commission nationale et de révéler ces vérités à un pays réticent. Je les ai entendus décrire un génocide culturel. Je les ai entendus parler de cimetières plutôt que de terrains de jeu. Je les ai entendus décrire les profondes blessures des familles qui ont besoin d’être réconciliées. Et je les ai aussi entendus dire résilience. Spiritualité. Respect de soi. Respect mutuel. Contribution. Action. Réconciliation. Grâce à leurs sacrifices, nous disposons d’une voie d’avenir – un sentier clairement défini menant à un pays transformé.

À KAIROS, nous croyons que la transformation est possible. Chaque jour nous voyons de l’espoir. Chez les jeunes leaders autochtones qui font entendre leur voix et de nous tirent, nous toutes et tous, vers un avenir plus juste. Chez les enfants non autochtones qui refusent de tolérer l’iniquité et s’engagent à produire un changement tangible. Chez les anciens qui, contre vents et marées, transmettent la langue, la culture, les enseignements et la spiritualité. Chez les Autochtones du Sud qui s’unissent aux Autochtones du Canada, nous aidant à comprendre qu’il s’agit d’une lutte globale et que la solidarité peut s’étendre en plusieurs directions. Chez les nouveaux arrivants – hommes et femmes – qui assument les responsabilités des traités et refusent de perpétuer les mythes et les stéréotypes. Chez les colons canadiens qui aspirent à l’éducation et au changement. Chez les communautés qui s’unissent pour protéger leurs bassins hydrographiques et bâtir des relations de respect et de partage reflétant les traités originels, qui constituent les assises du Canada.

À KAIROS, nous croyons que la transformation est possible parce que nous avons foi, et pouvons voir l’espoir devenue réalité. Nous croyons que la transformation est possible parce que nous la voyons se

produire dans notre organisation, et chez nos membres et nos partenaires. Nous voyons les vieilles relations changer et, ce faisant, devenir plus fortes, et de nouvelles relations se former. Une par une.

Les Appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation – structurés, exhaustifs, accessibles – méritent davantage qu’une acceptation superficielle ou cynique. Ils méritent que nous les lisions attentivement, que nous les étudiions et que nous nous interrogions, que nous acceptions leur défi, que nous identifiions nos responsabilités et qu’ultimement nous agissions et persistions dans l’action.

Il y a presque 20 ans, la Commission royale sur les peuples autochtones présentait un aperçu de notre passé et une vision d’avenir. Notre grand échec fut que tant – trop – d’entre nous n’eurent pas d’oreilles pour entendre l’information que le rapport exposait ni d’yeux pour discerner la vision qu’il proposait. Au cours des 20 ans qui ont suivi, nous avons appris et désappris, et nous croyons que beaucoup ont changé. Le présent rapport de la CVR ne sera pas tabletté parce que les Canadiennes et les Canadiens ne le permettront pas. Il est trop important. Il reste beaucoup de travail à faire, beaucoup à désapprendre et à apprendre, mais cette fois-ci ce sera différent. Il faut que ce soit différent.

En ce jour, inspirés par le leadership autochtone – celui des jeunes et des plus âgés – nous pouvons exprimer notre fierté pour ceux et celles face à qui nous pourrions être, qui nous devrions être, qui il nous faut être. Nous pouvons joindre nos mains et nos cœurs à ceux de tout Canadien – autochtone, colon, nouvel arrivant – qui promet de persister jusqu’à ce que, ensemble, nous ayons formé un pays dont nous puissions être fiers. Persister jusqu’à ce que nous ayons un pays dans lequel soient honorés les apports des Premières Nations, des Inuits et des Métis, où justice soit faite, où tout enfant puisse s’attendre à l’équité et au respect, et où la langue, la culture et l’identité soient des cadeaux à partager. Engageons-nous à changer nous-mêmes, à contribuer au changement de nos Églises et de nos communautés, à démontrer des possibilités en action et à ne pas laisser tomber.

Jennifer Henry


Filed in: Executive Director

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