Les communautés afro-colombiennes : entre résistance et déplacement


Testiga, Comunidad de la Plata

Par Marie-Dominik Langlois
L’ouverture de la délégation a débuté à Bogota, le 16 août, avec la rencontre pré-mission des observatrices et observateurs internationaux. Près d’une centaine de femmes étaient réunies, provenant de différents pays (Espagne, Pérou, Brésil, Honduras, Canada, Québec, etc.) et de nombreux secteurs de la société civile (environnement, juridique, droits humains, femmes, autochtones, médias alternatives, œcuménique, paysans, etc.).

Bien que provenant d’origines et de milieux socio-économiques différents, ces femmes avaient tous en commun leur combat pour la justice sociale et la paix.

Le 17 août à midi pile, après un dîner pris en 5 minutes en écoutant attentivement entre 2 bouchées les directives de José du Processus des communautés noires (PCN), John et Marie-Do, accompagnés de Clarisse de la Marche des femmes du Brésil et de Mercedes de la Marche des femmes du Pérou, ont quitté rapidement pour prendre leur avion à 13 h pour se rendre à la côte pacifique. Dans le voyage de Bogota à Cali, une dame nous a invités à sortir dans les discothèques avec elle. Cali est réputée pour être la capitale de la salsa. Lorsque nous lui avons dit que nous allions à Buenaventura, elle nous a répondu : ‘A Buenaventura, il y a beaucoup de fruits de mer. Mais il y a aussi beaucoup de Noirs…. Peut-être que vous allez quand même trouver des choses intéressantes à faire.’

Le racisme et la ségrégation sont omniprésents dans la ville. La population noire est en effet très importante. Les Afro-Colombiens sont arrivés dans la région il y a plus de 300 ans. Leurs ancêtres sont des esclaves qui ont été littéralement importés par les colonisateurs, lorsque l’apport en ressources humaines par les autochtones fut réduit drastiquement en raison des décès causés par les nouvelles maladies amenées par les colonisateurs, l’épuisement, le travail forcé et le manque d’alimentation. Ils ont établi des palenques (petits villages d’esclaves en résistance) tout au long de la côté pacifique, en particulier au Choco, Cauca et dans la vallée du Cauca. Les esclaves furent libérés au début du 19e siècle et laissés à eux-mêmes.

En 1993, presque 200 ans après la libéralisation des esclaves et le début des premières communautés afro-colombiennes, le gouvernement colombien a promulgué une loi qui reconnaît le droit aux communautés noires à leur territoire. Celles-ci doivent bien sûr en faire la demande, et le processus légal est complexe, long et pernicieux. Près de 20 ans après la mise en vigueur de la Loi, les communautés noires sans titre de propriété sont légion dans la région.

Le conflit armé, l’établissement de bases militaires et l’arrivée de transnationales minières (dont des Canadiennes) ont causé le déplacement forcé de nombreuses communautés qui vivent depuis plus de 300 ans sur leur territoire mais qui ne possèdent pas encore de titres de propriété les protégeant.

Buenaventura, Colombia

Lors de notre rencontre avec des membres du PCN, nous avons été mis au courant d’un déplacement d’une communauté afro-colombienne prévu pour le 18 août (soit le jour même de notre rencontre). Le leader de la communauté de La Toma (La Prise) s’est opposé à l’arrivée d’une multinationale minière dans la région. À cause de son activisme et de son opposition au capital étranger, il a été identifié comme objectif militaire et assassiné le 21 juillet.

Les communautés noires déplacées viennent alimenter la population urbaine et les rangs de l’extrême pauvreté. Très peu d’opportunités s’offrent aux jeunes: entrer dans l’armée, intégrer les forces paramilitaires ou de la guerilla ou encore participer dans des réseaux internationaux.


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