Témoignage en RD Congo : Tour dans les mines de coltan en 2013 #KAIROS20


À notre époque, peut-on encore se passer d’ordinateur portable? Qui n’est pas tenté par le dernier lecteur MP5 ou une nouvelle caméra digitale? Ces appareils électroniques font et feront toujours partie intégrante de notre quotidien. Mais savons-nous ce qui se cache derrière les composantes de notre GSM?

Un petit tour dans les mines de coltan et dans les sites d’exploitation nous met face à une dure réalité.

La RDC est un scandale géologique maudit? Le sous-sol de la RDC dispose d’immenses richesses naturelles. Chaque année, jusqu’à 10 milliards de dollars de cuivre et de cobalt congolais sont vendus à l’étranger par des sociétés minières. Le conflit qui touche l’Est du pays est étroitement lié aux questions de ressources naturelles et a fait des millions des morts et de déplacés, et provoqué un désastre humanitaire.

Les autorités de la République Démocratique du Congo (RDC) sont une honte et un échec pour la grande majorité des Congolais qui souffrent de la dégradation de leurs conditions de vie. Depuis 1965, année qui coïncide avec l’arrivée au pouvoir du Président Mobutu Sese Seko, les dirigeants congolais ne cessent de détourner les ressources du pays pour des intérêts égoïstes, personnels et encore mieux, pour les intérêts de leurs alliés génocidaires qui les maintiennent au pouvoir, et ce, au détriment de la population congolaise.

Pour arriver à leurs fins, ils emploient tous les moyens, notamment la multiplication des conflits armés dans des régions minières dans le but de créer l’instabilité et de se livrer frauduleusement à l’exploitation des ressources minières. On peut y croiser des enfants qui travaillaient dans les mines et qui se sont échappés. Ils vous racontent comment ils se sont fait kidnapper sur le chemin de l’école. Les femmes et les jeunes filles vous racontent comment elles étaient arrachées des bras de leurs parents ou de leur mari pour devenir esclaves sexuelles. Tout le monde sait ce qui se passe dans cette région mais personne ne fait rien, même pas les Nations Unies présentes avec leurs casques bleus.

Une visite dans la région nous a permis d’obtenir des informations de première main, auprès des victimes et auprès de leurs intervenants. Nous avons aussi obtenu des informations de seconde main, à travers les sociétés civiles qui interviennent dans la région.

Ce matin, j’aimerais vous partager mon expérience vécue dans le cadre de la mission effectuée dans la province congolaise du Kivu dans l’est de la RDC, précisément dans la ville de Bukavu et ses environs.

En Juin 2013, en effet, j’ai fait partie de la délégation « Femmes de courage » de KAIROS qui s’est rendue dans cette province où elle a constaté l’une des pires crises

humanitaires de la planète et a offert l’accompagnement et la solidarité des citoyens canadiens et canadiennes. La délégation était composée du personnel de KAIROS, des représentants et représentantes des organisations membres de KAIROS, de l’alliance de la fonction publique du Canada et de deux organisations africaines partenaires de KAIROS. Ce message donne les grandes lignes sur ce que j’ai vu et entendu des victimes et des personnes qui travaillaient avec les victimes.

Permettez-moi de vous signaler que depuis notre visite la situation ne s’est guère améliorée. Bien au contraire, des informations en provenance de nos partenaires locaux indiquent que la violation des droits humains et l’insécurité prennent des proportions très alarmantes avec la découverte de nombreuses fosses communes.

En 2013, on a constaté une augmentation de la violence sexuelle dans cette partie du pays. Les victimes étaient de plus en plus jeunes – on y a même recensé des fillettes de deux ans.

Comme ailleurs, le viol est utilisé comme arme de guerre, arme de destruction massive. Je le nomme ainsi parce que, culturellement et socialement, la femme est la nourricière de la communauté et garante de ses valeurs. S’attaquer à la femme de cette manière, c’est la détruire dans son intégrité, et à travers elle, c’est détruire l’âme de la communauté toute entière.

Comme conséquences de ces viols, je retiendrai entre autres:

  • Un rejet et dénigrements des femmes violées de manière générale,
  • Rejet et dénigrement de la femme mariée de la part de son mari, de sa famille et de sa communauté;
  • Une multiplication de grossesses indésirables;
  • Une multiplication de cas de traumatismes physiques et psychologiques;
  • Un accroissement de la pauvreté;
  • Une recrudescence des maladies sexuellement transmissibles; etc.

Pour s’en sortir, bon nombre de ces victimes se livrent à la prostitution pour assurer leur survie et celle de leurs enfants. C’est ici qu’intervient des ONG telles qu’Héritier de la justice qui accompagne les femmes et leurs familles à faire le pas vers la guérison.

Avec ses programmes d’éducation, sa clinique légale d’accompagnement des survivantes de la violence sexuelle, HJ permet aux femmes et aux filles de guérir, de refaire leur vie et d’être formées comme intervenantes en matière de violence sexuelle, intervenantes para-légales et animatrices du changement social. Des semences d’espoir sont ainsi plantées dans la communauté, au niveau de la base.

Face à une situation humanitaire désespérée et des violations flagrantes des droits humains, les courageuses femmes que j’ai rencontrées en RDC représentent une source d’espoir.

Les courageuses femmes sont partout : elles refusent de se cacher pour se protéger contre le viol; elles dénoncent leurs agresseurs malgré l’impunité. L’impunité qui est devenu un des moyens pour sécuriser les délinquants en les laissant dans la société perpétuer l’insécurité.

Photos par Danielle Dubuc.

Nous avons rencontré :

  • Les femmes leaders qui ont bénéficié de la formation donnée pas les animatrices d’Héritiers de la Justice: elles étaient fières de donner leurs témoignages, ayant appris que c’était le seul moyen pour guérir et continuer à vivre. Ces femmes sont responsables des paillotes qui forment des femmes victimes de violences pour devenir des actrices de changement social. Voir photo #6
  • La directrice d’un centre de formation et de réhabilitation pour jeunes filles désœuvrées. Les filles qui fréquentent ce centre reçoivent une formation pour débuter un petit commerce. Voir photo #9
  • Les femmes de tous âges, désignées comme femmes porteuses des pierres. Ces femmes sont engagées comme des journalières pour transporter les pierres sur leur dos, montent une pente raide de la carrière jusqu’au bord de la route. Par la suite, les hommes viennent chercher les pierres pour aller les vendre aux constructeurs des villas dans la ville de Bukavu et les environs. Elles recevaient moins de $1.00 par jour comme indemnité. Grace à la formation reçue à la paillotte, Les femmes se sont constituées en coopérative. Le patron de la carrière doit négocier avec un comité qui parle au nom de toutes les femmes pour un salaire égal et équitable. Voir photo #10
  • Cette femme est veuve. Son mari et ses fils ont été tués parce qu’ils voulaient s’interposer pendant que les hommes en uniforme la violaient à tour de rôle. Elle a été laissée pour morte. Mais les femmes de la paillotte près de chez elles lui ont porté secours en la conduisant à l’hôpital Panzi. Sa fille aussi a été violée et a eu un enfant issu de ce viol. Ici, elle célèbre la vie que ces hommes en uniforme n’ont pas réussi à lui ôter. Voir photo #4

Les lois contre le viol existent à tous les niveaux. Citons à titre d’exemple la création de la Conférence Internationale sur les grands (CIRGL), qui a facilité les ententes régionales visant à mettre fin à la violence fondée sur le genre et à éliminer l’exploitation illégale des minerais. Les efforts pour éliminer ces fléaux ne se concrétisent pas de manière palpable sur le terrain. Au niveau local, tous les discours, les affiches distribuées etc… n’arrêtent pas les violences sexuelles. Les enjeux semblent être trop importants pour régulariser et sécuriser les sites d’extraction des minerais qui, pour le moment, attirent les hommes en uniformes, les milices et l’anarchie que cela implique. Allez donc savoir qui en tire bénéfice!

Dans notre programme, nous avions planifié de visiter une mine d’exploitation industrielle d’or tenue par une société Canadienne. Les villageois ont été expropriés pour laisser place à l’installation d’extraction minière. 850 familles ont été relocalisées au sommet de la montagne. La relocalisation ainsi que la taille et la qualité des maisons sont vivement contestées par les villageois.

Le climat de haut de la montagne ne permet pas aux villageois de vaquer à leurs occupations journalières telles que l’agriculture et l’élevage. Une des possibilités qui reste est de se faire engager comme journaliers (avec un peu de chance) .

En termes de responsabilité sociale, la société en question a créé une fondation dont l’objectif affiché sur son site est de favoriser le développement social et économique local. Pourtant, même les routes menant vers le site et dans le voisinage sont encore en terre battue.

Une visite du site n’a pas été possible pour des raisons non avouées. Pendant que nous étions encore devant la clôture qui donne accès au site, un hélicoptère a atterri dans la cour de l’enclos; le chargement a été fait et il a disparu dans les airs comme il était venu. Ni vu, ni connu, destination inconnue. Photo #11

Après avoir grillé pendant quelques heures au soleil en attente de la permission pour visiter les lieux, nous sommes repartis pour la suite de nos visites dans un village situé un peu plus bas.

Laissez-moi terminer ce témoignage avec cette histoire : Un soir, un vieil homme rentre des champs paisiblement lorsqu’il entend un bruit d’hélices et le bruit sourd des camions blindés. Il lève les yeux et voit l’hélicoptère au ciel et des camions qui entrent dans le village. Il s’exclame et dit : Ne me dites pas qu’ils ont trouvé encore du gisement tout près du village. Ça porte malheur! Il n’avait pas fini sa phrase que les hommes en uniformes sortaient du camion et s’emparaient de tous les jeunes du village pour en faire soit des esclaves sexuelles, soit des chairs à canon. Ceux et celles qui revenaient, étaient malades ou enceintes et inutiles aux yeux des kidnappeurs. Le village n’était plus le même. Les jeunes gens qui avaient échappé à la capture sont partis en ville laissant derrière eux tristesse et désolation.

Laissez-moi vous dire que Le sous-sol de la RDC regorge de toutes sortes de minerai que le monde exploite. C’est un des pays qui pourvoyeur des matières premières qui consolide l’intelligence artificielle. Ce qui devrait être une bénédiction pour la population attire malheurs pour la grande population pendant que ceux qui sont au pouvoir et leurs partenaires fascistes jouissent des retombées de ces richesses. Ceux qui osent dénoncer ces abus sont l’objet des représailles, arrêtés ou éliminés physiquement. Le pays a perdu des dissidents et leaders des ONG pour avoir osé le faire.

Malgré la répression, l’intimidation, les enlèvements et les assassinats, ces femmes qui reçoivent la formation sont actives dans leurs milieux respectives et la boule de neiges s’agrandie. Ces femmes et hommes réhabilités dans leurs droits sont reconnaissants pour avoir bénéficiés de la générosité des canadiens à travers l’accompagnement de KAIROS

C’est grâce à KAIROS que La flamme de justice sociale en moi a pris de l’ampleur, me permettant ainsi de m’engager au sein des organismes de justice sociale pour faire connaitre ces abus et injustices et contribuer, si peu que soit-il, à améliorer les conditions des vies des victimes et de la population. C’est aussi grâce à KAIROS que j’ai appris ce qui se passait en RDC et les différents enjeux qui sont impliqués. KAIROS m’a aussi permis de voir et comprendre les similarités des enjeux vécus dans d’autres régions telles que les Philippines.


Filed in: #KAIROS20 Anniversary, Africa, En français

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